Géopolitique | Interview
Interview Droite de Demain

Interview Alexis LSK.

Je vous invite chaudement à lire la dernière interview que j’ai donné au média Droite de Demain, qui m’a reçu avec beaucoup de professionnalisme et m’a posé des questions très intéressantes, notamment sur la situation en Europe de l’Est, dans les Balkans et au Moyen-Orient.

J’y aborde énormément de sujets très importants à comprendre pour saisir la situation géopolitique actuelle et son évolution dans les prochaines années.

Vous pouvez retrouver l’article ici :

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Interview attachée ci-dessous :

Bonjour Alexis Lisiak, la Hongrie de Viktor Orban est-elle devenue un modèle de conservatisme en Europe ?

Je dirais à la fois oui et non.

Pour placer les bases, je dois vous référer à un livre de référence en la matière qui est celui de Thibaud Gibelin « Pourquoi Viktor Orban joue et gagne ? ».

La Hongrie est un pays particulier parce que son histoire est mouvementée.

C’est une exception en Europe, car la Hongrie n’est pas issue de l’héritage, ni latin, ni germanique, ni anglo-saxon. Sa langue est complètement déconnectée de celle de ses voisins.

Ainsi, ils ont une vision de l’Europe et du monde qui est assez particulière, car c’est un pays qui se sent isolé par nature et par expérience.

De cette façon, ils réfléchissent différemment des autres pays d’Europe, avec notamment une énorme méfiance vis-à-vis des pays proches qui l’entourent de manière générale mais encore plus de ceux qui viennent de plus loin.

Ce pays cherche à se dessiner son propre chemin parmi toutes les idéologies.

Il cherche également à se trouver les alliés les plus forts possibles pour ne pas les avoir pour ennemis, stratégie typique des petits pays à forte identité.

En même temps, cela le pousse à ne pas accepter facilement ce qu’on lui dicte de faire.

C’est un pays qui a assez été occupé (trop selon les Hongrois) dans son Histoire récente et plus longue, pour se laisser dominer désormais. L’occupation de l’URSS est encore vivace dans les esprits des élites actuelles qui l’ont connu dans leurs jeunesses, l’exemple parfait est Viktor Orban mais c’est le cas pour tous ceux de sa génération en Hongrie.

La politique de la Hongrie se résume ainsi en trois grands points. :

Survivre économiquement en nouant des alliances purement économiques.

Ensuite, l’imperméabilité à la dilution culturelle qui se caractérise par cette indépendance et cette forte identité.

Enfin, la Hongrie ne souhaite pas se conformer à la laïcité, sa constitution est chrétienne et elle utilise un prisme de lecture qui est chrétien, ce qui constitue une énorme différence avec les pays d’Europe de l’Ouest et qui leur donne un cap clair et un code valeurs bien ancrées. La Bible leur donne également des limites claires à ne pas transgresser, et lorsqu’elles sont inscrites dans un cadre religieux, elles sont beaucoup plus difficiles à négocier par la gauche que lorsqu’on baigne dans une société laïque.

Pour autant, quand on enlève notre œillère d’Européen de l’Ouest, on constate que ce n’est pas un pays purement conservateur bien qu’il s’agisse de l’un des pays les plus conservateurs d’Europe, il y a toujours plus conservateur qu’eux car ils restent tout de même assez « occidental » pour se fondre dans le moule dans les pays de l’Union Européenne.

Si on veut analyser des pays véritablement conservateurs dans leurs fondements et leurs modernités particulières, il est obligatoire de sortir de ce moule occidental pour aller dans d’autres zones du monde comme la Russie, l’Afrique ou l’Asie par exemple.

Que pensez-vous de l’alliance qui s’est produite en Autriche entre les Verts et les conservateurs ?

L’Autriche est un pays très intéressant à suivre.

C’est un petit pays, composé en grande partie de montagnes et de zones non-urbanisés, pour la plupart encore miraculeusement intactes.

Dans les pays très alpins comme l’Autriche, la présence imminente et dominante de la nature, force la fibre écologique, qui est bien plus développée qu’en France où on laisse l’écologie à des bobos de métropoles.

En Autriche, l’écologie est beaucoup plus réelle et concrète. La vision est bien plus pragmatique.

Ainsi, les écologistes se rendent naturellement compte que le camp idéologique le plus proche de l’écologie véritable est le camp conservateur.

C’est la définition même du conservatisme de chercher à tout préserver dans son ensemble.

Pas dans le sens typiquement présupposé que l’on à en France de « revenir vers le passé », mais bel et bien d’activement conserver et entretenir les fondements de sa civilisation, de son peuple et de son espace naturel, tout en allant de l’avant.

Le système politique autrichien a permis la création de cette alliance de manière très fluide.

Là où en France, on a une vision très partisane virulente et dans la pureté idéologique, qui condamne à une guerre de chapelles perpétuelle et ne permet finalement que des alliances au centre mou comme l’a fait Emmanuel Macron et la plupart des centristes.

L’Autriche est donc plus pragmatique et se soucie bien plus de l’écologie que les partis de gauche en France. Et sa culture politique du compromis lui permet de faire des alliances plus pragmatiques, comme l’ont fait également les 3 grands partis de droite en Italie, qui ont mis de côté leurs différences pour accéder au pouvoir, quelque chose qui est inconcevable pour la droite française.

La plupart des partis politiques dans d’autres pays en réalité pensent comme en Autriche, le vote et l’accession au pouvoir prime sur les idées.

La France reste peut-être l’exception à la règle (comme c’est souvent le cas) où l’idée prime sur l’accession au pouvoir, ce qui ironiquement condamne à ne jamais pouvoir appliquer ses idées et à subir une défaite éternelle puisque le camp d’en face lui ne se prive pas d’alliances.

On parle d’un nouvel élargissement de l’UE avec l’intégration des pays des Balkans. Que pensez-vous de l’intégration de ces pays au sein de l’UE ?

L’Union européenne est une création américaine. C’est prouvé et acté.

Après la guerre, les Américains ont voulu s’assurer que les Européens arrêteraient de se faire la guerre et ont poussé à la création de l’UE qui n’est qu’une extension de l’OTAN. C’est donc un outil américain.

L’UE va donc continuer à s’étendre parce que les États-Unis veulent étendre leur pouvoir.

Ils cherchent à étendre leur influence et leur contrôle à travers les institutions européennes.

Il y a peu de temps encore, on a vu une Américaine être placée au sein de la Commission européenne. Les Américains n’essayent même plus de s’en cacher.

Et Il ne faut pas croire que ce sont des institutions démocratiques, puisque les dirigeants de l’UE sont non-élus. Cette entité supra-nationale qui supplante n’importe quel président à l’échelle nationale est donc une machine antidémocratique qui rend nulle et non-avenue toute décision démocratique réelle prise par les nations.

Dans cette volonté d’extension de l’UE, on trouve l’idée de faire un contrepoids aux BRICS.

Ainsi, plus les BRICS vont s’étendre et se développer, plus l’Amérique cherchera à faire contrepoids. L’UE se dirige donc vers les derniers pays restants à grappiller qui sont les pays des Balkans.

Cette extension se fera évidemment à perte et au détriment du pragmatisme économique, car ce sont de nouveaux pays qui deviendront des entonnoirs à fonds européens et qui ne feront qu’aspirés les taxes que le citoyen moyen d’Europe de l’Ouest ajoutera à son déjà très lourd fardeau.

De plus, une fois qu’on aura financé le développement de ces pays, ils deviendront plus attractifs, plus rentables, plus préservés et favoriseront la délocalisation des entreprises et organismes dans les pays d’Europe de l’Ouest qui se trouveront affaiblis.

Les Balkans vont donc bien évidemment en profiter et les grands perdants seront les pays d’Europe de l’Ouest qui ne vont absolument rien y gagner, et qui finiront, ironiquement, par avoir financés des pays qui causeront leurs pertes et leurs déclins économiques car ils finiront par les dépassés en terme de parité de pouvoir d’achat et de qualité de vie, pour certains c’est même déjà le cas.

L’extension territoriale que vous évoqué n’est-elle pas la continuité historique de cette dualité Occident contre Orient ? Nous cherchons toujours à endiguer “l’ours russe” à l’Est.

Bien sûr.

Le bloc UE essaie de pousser le plus possible les frontières avec le bloc BRICS, car une fois les frontières figées, il sera très difficile de les bouger par la suite un peu comme c’était le cas avec le rideau de fer.

Quand les frontières sont ancrées dans la modernité c’est très difficile de les faire bouger.

L’UE est pressée par le temps et accélère donc l’intégration des pays et, par conséquent, l’extension de l’OTAN.

L’objectif est de placer la frontière la plus éloignée possible pour avoir une zone tampon, mais aussi y placer des bases américaines le plus proche du territoire russe.

L’UE a donc tout intérêt à étendre sa zone le plus possible.

Vous vivez en Bulgarie, comment les Bulgares perçoivent-ils l’Union Européenne ?

La Bulgarie fait partie de l’UE sans faire partie de l’espace Schengen. Mais cela risque d’évoluer dans les prochains mois, car l’on sent que la pression est de plus en plus forte en Bulgarie pour que le pays intègre Schengen et adopte l’euro.

La relation des Bulgares vis-à-vis de l’Europe est cynique, voire même ironique.

Une grande partie des personnes avec qui je parle en Bulgarie voit l’UE comme un grand-parent qui les habillera à la fin du mois. Un peu comme les Polonais et les Hongrois, les Bulgares voient l’Union comme un « porte-feuille sur pattes ».

Ils ont une mentalité à sens unique, c’est-à-dire que quand on leur demande quelque chose, ils refusent. Quand on leur impose une norme, ils l’adoptent à reculons et parfois même l’écrivent en théorie, mais ne l’appliquent pas dans les faits. Ce qui est inconcevable dans les pays d’Europe de l’Ouest comme la France, où la loi écrite correspond à la loi appliqué.

Ce qui anime les Bulgares, c’est de récupérer le plus de millions, voire de milliards, de la part de l’UE pour ensuite réinjecter le tout dans l’économie bulgare, en se prenant une commission informelle redistribuée parmi les élites au passage.

Des buildings se construisent partout et le pays se développe grâce aux subventions européennes.

Ils profiteront de cela autant que ça les arrange. C’est une mentalité que l’on trouve souvent dans les pays de l’Europe de l’Est qui choisissent de récupérer les subventions qui les arrangent mais refusent toujours les requêtes faites par l’UE en retour. C’est donc un deal très intéressant pour ces pays qui se développent aux frais de pays étrangers sans avoir besoin de réellement rendre des comptes.

La Pologne a établi, dans sa Constitution, la primauté du droit national sur le droit communautaire européen. Est-ce un exemple à suivre ?

En France, vous pouvez voter pour n’importe quelle personne, en réalité les lois qui seront adoptées feront l’objet d’un contrôle du juge européen. C’est en cela que la démocratie n’existe pas et que la démocratie française n’est qu’une façade. C’est un juge non-élu qui a plus de poids que des dirigeants élus ! Ce qui pose évidemment de grands problèmes de souveraineté.

Les pays qui se soucient réellement du bien-être de leur population et du respect de la démocratie comme la Pologne et la Hongrie, savent qu’il faut conserver la primauté de leur droit national.

Les juristes polonais ont étudié la question depuis longtemps.

Ils ont ainsi mis en place un système qui permet au droit national de primer sur le droit européen. C’est une mesure qui est clairement antisystème.

D’un point de vue pragmatique, c’est le meilleur système pour se défendre face à l’UE.

Il faut voir désormais ce que cela va donner sur le long terme.

On pourrait y voir une phase transitoire de sortie de la Pologne de l’UE. Car plus la Pologne va se prémunir de lois « anti-systèmes » vis-à-vis de l’UE, plus elle va se rendre compte qu’elle à de moins en moins besoin d’elle.

C’est une discussion qui existe en Pologne depuis plusieurs années déjà, même plus largement au sein des pays du Visegrad, auprès de certaines élites polonaises par exemple, les bruits de couloirs disent depuis longtemps que le plan final serait de quitter l’UE une fois que l’on aura profité des aides économiques pour se développer et qu’on sera devenu une grande puissance économique et militaire.

C’est le grand vœu des polonais de surpasser l’Europe de l’Ouest qu’ils méprisent en général et de pouvoir les « enjambés » pour aller directement faire du business à la table des Etats-Unis et des autres grandes nations. Les polonais détestent devoir passer par l’intermédiaire de l’UE pour pouvoir interagir avec les USA.

Historiquement, les abords de la Mer Noire ont été le théâtre d’affrontements entre deux grands empires (ottoman et russe). Quel est l’impact civilisationnel de ces deux influences passées ?

L’un des tournants qui a été fondamental dans la géopolitique mondiale sur ses vingt dernières années (que la majorité des gens n’ont toujours pas réalisé) est que les deux grands ennemis de toujours qu’étaient l’Empire ottoman et l’Empire russe sont devenus les meilleurs amis du monde.

Maintenant, ce sont de grands alliés.

Cette alliance était inconcevable depuis plusieurs siècles et toujours inconcevable il y a à peine 40 ans. Aujourd’hui leurs intérêts communs sont une évidence.

Cela se fait au détriment des pays atlantistes, car désormais, la Mer Noire est contrôlée en grande partie par ces deux pays. Environ 50 à 60% (voire plus) des côtes de la Mer Noire sont contrôlées par la Russie et la Turquie.

Le contrôle de la Mer Noire est primordial dans le jeu géopolitique, car la Mer Noire permet un accès et un contrôle de la Mer méditerranée. La Mer Noire est une véritable porte d’accès vitale à tous les pays continentaux d’Eurasie et du Moyen-Orient qui n’ont pas accès aux océans.

La perte de ce contrôle par l’OTAN est un tournant majeur, car cette doctrine est bien connue dans le monde militaire et géopolitique : qui contrôle les mers contrôle les continents. 

Les BRICS se sont emparés, dans une fluidité parfaite et peu remarqué, d’une des plus grandes portes maritimes du continent.

L’Azerbaïdjan envahit le territoire arménien du Haut-Karabagh. Ce conflit civilisationnel, oublié en Occident, a-t-il un écho dans les pays de l’Est ?

On parle très peu de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan dans les pays d’Europe centrale ou des Balkans.

Par contre, cela intéresse évidemment les Russes et les Biélorusses du fait que c’est une région du monde qui est une véritable porte d’entrée du Moyen-Orient, qui comporte de nombreux alliés économiques et un marché croissant de consommateurs pour les pays des BRICS.

C’est quasiment déjà acté que l’Azerbaïdjan va finir par absorber les territoires qu’il souhaite absorber, donc l’Arménie a déjà perdu. Et ça les analystes militaires le savent depuis longtemps.

L’Azerbaïdjan (assez russophile) est un ami des BRICS donc plus l’Azerbaïdjan prend le contrôle de sa zone géopolitique plus c’est avantageux pour eux.

La Russie voit cela d’un bon œil, car c’est une potentielle plaque tournante pour le commerce au Moyen-Orient qui peut s’établir à un moment où elle cherche des partenaires économiques après que le marché européen se soit fermé (sur lui-même) à cause des sanctions.

Au final on constate, depuis ces derniers mois et années, au niveau mondial, une extension et une 

croissante confiante et constante des BRICS. Couplé à un recul et un empressement des pays de l’OTAN qui sont déconcertés par la restructuration du monde et leur propre perte de pouvoir, et qui sont maintenant dans la réaction (bien souvent trop tard et trop lente) pour essayer de freiner ce changement profond du monde tel qu’on l’a connu.

Ces prochaines années, on va assister de plus en plus à des accélérations de par et d’autres des zones clés du monde, qui vont actés par des conflits ou des événements, de plus en plus profondément cette restructuration vers un monde multipolaire où l’hégémonie culturelle, militaire et économique américaine ne sera plus qu’un lointain souvenir.

Propos recueillis par Théo Dutrieu

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