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Les Balkans, zone stratégique pour l’Occident

Comme je l’expliquais lors de ma dernière intervention sur le média Droite de Demain, les Balkans sont une zone stratégique clé pour l’Union Européenne et plus largement l’Occident.

Et pourtant, cette zone est souvent méconnue du grand public.

Nous allons creuser ensemble dans cet article un peu plus pourquoi cette zone est stratégique et comment elle évolue.

Les Balkans intégrent progressivement l’espace Schengen

La Bulgarie et la Roumanie désormais intègrent partiellement l’espace Schengen à partir du 31 mars.

Avec l’intégration de la Croatie, le 1er janvier 2023, l’espace Schengen comptait 27 États, dont 4 États non-membres de l’UE ; la Suisse, la Norvège, l’Islande, et Liechtenstein.

Cette intégration est partielle, car l’Autriche n’a pas encore pleinement confiance dans les capacités de la Roumanie et la Bulgarie pour contrôler les frontières terrestres.

Une intégration partielle qui révèle l’importance de la Route des Balkans

L’Autriche, qui est entourée de Schengen à 100%, n’a aucun contrôle sur ses frontières et le pays est donc plus prudent que les autres sur le contrôle aux frontières extérieures de l’UE.

Et la Bulgarie et la Roumanie sont aux frontières de l’UE et sont les murs de nombreux pays hors UE, comme la Turquie, la Moldavie, la Serbie et d’autres, sans parler de la Mer Noire.

La Roumanie et la Bulgarie débloquent donc un accès uniquement par voies maritimes et aériennes.

Cette avancée permettra aux touristes (qui se déplacent généralement en avion et qui sont contrôlés à l’aéroport) de pouvoir profiter de la libre circulation dans les deux sens tout en permettant de freiner les flux de migrants par voie terrestre.

Car le plus gros des migrants qui accèdent à l’UE passe par la route des Balkans.

La suppression des contrôles aux frontières intérieures s’est accompagnée de règles communes pour le contrôle des frontières extérieures et d’une coopération judiciaire et policière renforcée pour lutter contre la criminalité.

En 2024, les négociations vont reprendre pour que la Bulgarie et la Roumanie intègrent pleinement Schengen, même au niveau terrestre.

En 2025, la Bulgarie devrait adopter également l’euro, tandis que pour la Roumanie, cela devrait plutôt être pour 2026.

Les Balkans, l’épine dans le pied de l’UE

Mis à part la Bulgarie et la Roumanie qui finalisent peu à peu leurs intégrations complètes à l’Union Européenne, les Balkans restent la zone qui compte le plus de pays qui ne font pas partie de l’UE.

Si on se penche un peu sur les Balkans, on se rend compte qu’elle représente comme un « trou dans la botte » de l’Occident, ou plutôt une épine dans le pied, dont l’Union Européenne a du mal à se débarrasser, ou plutôt à « absorber ».

On compte encore dans les pays non-membres : la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Serbie, le Kosovo, la Macédoine du Nord, l’Albanie et la Moldavie.

En effet, les Balkans sont une zone complexe et très tendue.

La zone est à la fois connue pour sa corruption, sa présence forte des mafias, ses rivalités ethniques, ses problèmes juridiques structurels et sa population généralement défiante du gouvernement, pour ne nommer que quelques enjeux.

Mais si encore, ces pays s’étaient contentés d’être neutres ou d’être tout simplement indifférents à l’UE, la situation serait tout autre.

En réalité, le pire est que ces pays ne sont pas indifférents, mais plutôt hostiles et opposés à l’Union Européenne et l’Occident.

Que ce soit pour des raisons historiques, politiques, ethniques, culturelles ou économiques, tous ces pays ont des raisons de se méfier voire de détester l’Occident.

L’exemple de la défiance serbe

Pour ne donner qu’un simple petit exemple, la Serbie, qui est historiquement et culturellement très affilié à la Russie, garde encore vivaces dans les esprits les bombardements de l’OTAN sur sa population il y a une vingtaine d’années.

Car effectivement, petit rappel historique, le 24 mars 1999, les USA et l’Europe bombardaient la Serbie pour lui arracher le Kosovo.

Et les Serbes n’ont pas oublié, ils l’expliquent eux-mêmes.

Chaque année, les serbes, avec le gouvernement en tête, font la commémoration et se remémorent cette trahison de l’Occident.

La commémoration du 24.03.2022. Source : Marko Risovic / Le Monde

C’est donc tout naturellement, que dans le contexte multipolaire actuel, la Serbie, bien qu’en Europe, prend part aux enjeux mondiaux en se rangeant presque toujours du côté opposé à l’Occident, du côté des pays des BRICS ou des pays non-alignés.

Ce qui vous imaginez bien, déplaît fortement à l’oncle Sam.

Et l’Occident en a plus qu’assez de cette « résistance » à la machine occidentale à broyer des pays. Il accélère sa déstabilisation de ses opposants pour essayer de les faire tomber.

Les révolutions de couleurs organisées par l’Occident

Et lorsque l’Occident a des opposants, il fait ce qu’il sait faire de mieux, il déstabilise de l’intérieur, voire, il tente des coups d’État pour les faire basculer dans son camp.

Comme nous avons pu le voir dans l’article sur la doctrine d’hégémonie américaine, l’appareil étatique américain et plus largement occidental, met donc tout en oeuvre pour tenter de déstabiliser ces pays qui résistent à son pouvoir hégémonique.

L’Occident procède donc à des révolutions ou des coups-d’États de type « Euromaïdan ».

L’Euromaïdan, une orchestration américaine

Pour ce qui est de l’Ukraine par exemple, les documents qui ont fuité révèlent que les États-Unis ont dépensé 22 millions de dollars pour propager leur narratif anti-russe en Ukraine.

Comme la CIA l’a fait pour l’Ukraine, elle tente de faire la même chose avec la Serbie.

Nikola Mirkovic, expert sur la question, nous explique tout, sources à l’appui, sur les procédés employés par l’appareil américain.

L’ironie, c’est que les États-Unis ne s’en cachent même plus.

Victoria Nuland, sous-secrétaire d’État pour les Affaires politiques aux États-Unis, distribuée des cookies aux Ukrainiens pendant la révolution de l’Euromaïdan, ça ne s’invente pas.

Les USA, qui apportent « la démocratie » aux peuples non-conciliants. Source : Andrew Kravchenko | AP

Et encore, si elle n’avait fait que distribuer des cookies pour laisser transparaître le « parrainnage » des États-Unis dans ce coup d’État, on aurait pu encore lui pardonner.

Les procédés américains deviennent voyants

En réalité, elle s’est fait piéger en coulisses, au cours d’un appel téléphonique intercepté avec Geoffrey R. Pyatt, l’ambassadeur des États-Unis en Ukraine.

On peut entendre Victoria Nuland en train de fomenter la composition d’un gouvernement pour succéder à celui de Yanukovych.

« Yats est le gars », dit-elle, en faisant référence à Arseniy Yatsenyuk, le leader préféré des Américains pour la population ukrainienne.

Tandis que les sénateurs John McCain et Chris Murphy apparaissaient publiquement à Kiev avec le chef de l’opposition d’extrême droite Oleh Tyahnybok en soutien au coup d’État.

Cela équivaut à des parlementaires et des diplomates russes venant à Washington pour encourager les manifestants à renverser le gouvernement américain. Quand on inverse la situation, tout d’un coup, on se rend compte du culot infernal des Américains.

Concernant les deux autres leaders de l’opposition, Vitali Klitschko et Oleh Tyahnybok, son plan était de les tenir à l’écart, disant : « Je ne pense pas que Klitsch doive entrer au gouvernement » et « Ce dont il [Yatsenyuk] a besoin, c’est de Klitsch et Tyahnybok à l’extérieur ».

Quant aux intérêts divergents de l’Europe dans le dénouement de cette histoire, elle a déclaré de manière tristement célèbre :

« L’UE n’a qu’à aller se faire voir ! »
Version originale : « Fuck the EU »

Victoria Nuland

Une formule qui en dit long sur le rôle nul qu’ont les Européens, qui ne sont que des pays serviles aux yeux des Américains.

Le 13 décembre 2013, Nuland avait déclaré à la Fondation américano-ukrainienne que Washington avait dépensé 5 milliards de dollars en une décennie pour soutenir les « aspirations européennes » de l’Ukraine, autrement dit pour l’éloigner de la Russie.

Si vous souhaitez creuser en profondeur l’affaire, le média Les Crises, explique en détail tout le procédé utilisé par les États-Unis, du début à la fin.

Les USA tentent les mêmes procédés dans les Balkans

Ces procédés de plus en plus voyants, et qui se font de plus en plus pressants, au fur et à mesure que les États-Unis sentent que leur emprise sur le monde se délite, sont désormais de plus en plus effrénés dans les Balkans.

La Serbie notamment, en fait les frais, car elle est devenue la prochaine cible de l’Occident.

On a pu constater que lors des dernières élections, des manifestants ont commencé à protester violemment contre le résultat des élections.

Source : REUTERS

Des élections qui ont été malheureusement pour eux, bien vérifiées et confirmées par des organismes indépendants.

Les Serbes ne sont pas aveugles et savent très bien quels sont les pays étrangers derrière ces tentatives de déstabilisation.

Les Russes aussi d’ailleurs, dont les services de renseignements font partie des meilleurs du monde, sont bien au courant de ce qui se passe.

« Il est évident que l’Occident collectif cherche à déstabiliser la situation dans le pays », a déclaré la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, citée par l’agence publique RIA Novosti, en comparant les manifestations en Serbie à celles du Maïdan à Kiev, qui ont abouti à l’arrivée au pouvoir de pro-Occidentaux en Ukraine début 2014.

Ce qui a ensuite causé l’escalade et la guerre en Ukraine dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.

Les Balkans, une zone économique cruciale

Les Balkans sont une zone cruciale, et donc pour terminer, j’ai trouvé intéressant de vous donner un ordre d’idée de l’importance de cette petite zone, d’un point vue économique et démographique.

Si on rassemble tous les pays des Balkans qui sont non-membres de l’Union Européenne, et qu’on les analyse sous 2 indicateurs simples, cela nous donne un indicateur clair de l’importance économique et démographique de ces pays.

Population : 19 651 435

Produit Intérieur Brut (PIB) : 150,66 milliards $

Cette petite zone des Balkans encore « non-absorbée » par l’UE représente à peu de choses près, l’équivalent de la Hongrie en termes de PIB et l’équivalent de la Roumanie en termes de population.

On comprend donc pourquoi l’Occident veut absolument s’en emparer.

Voici donc les chiffres de 2022 de la Banque Mondiale.

Bosnie-Herzégovine :

Population : 3 233 526

Produit Intérieur Brut (PIB) : 24,47 milliards $

Taux de croissance : 4,1%

Source

Monténégro :

Population : 617 213

Produit Intérieur Brut (PIB) : 6,23 milliards $

Taux de croissance : 6,4%

Source

Serbie :

Population : 6 664 449

Produit Intérieur Brut (PIB) : 63,56 milliards $

Taux de croissance : 2,5%

Source

Kosovo :

Population : 1 761 985

Produit Intérieur Brut (PIB) : 9,41 milliards $

Taux de croissance : 5,2%

Source

Macédoine du Nord :

Population : 2 057 679

Produit Intérieur Brut (PIB) : 13,56 milliards $

Taux de croissance : 2,1%

Source

Albanie :

Population : 2 777 689

Produit Intérieur Brut (PIB) : 18,92 milliards $

Taux de croissance : 4,9%

Source

Moldavie :

Population : 2 538 894

Produit Intérieur Brut (PIB) : 14,51 milliards $

Taux de croissance : -5,0%

Source

Pour aller plus loin :

Réinvestir les Balkans occidentaux : un impératif stratégique

Ukraine, la CIA en sous main

Washington helped trigger the Ukraine War

Toute l’affaire du coup d’Etat de l’Euromaïdan

La conversation téléphonique complète de Nuland et Pyatt, sous-écoute et retranscrite.

Elections en Serbie: Moscou accuse l’Occident de chercher à « déstabiliser » la situation

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